Par Gaëlle Cloarec - La Tribune.
Encouragé d’un côté, attaqué de l’autre, l’éolien n’en finit plus de faire couler l’encre. A Nice, toutefois, une jeune pousse pourrait bien mettre tout le monde d’accord avec une éolienne à voile dont le prototype est en cours de finalisation.
Les orientations fixées par le projet de révision de la Programmation Pluriannuelle des Energies (PPE) ne vont pas apaiser le vent de fronde qui cherche à empêcher les éoliennes de se dresser en France, lesquelles, sept fois sur dix, font l’objet de recours. Souvent à rallonge. Le texte, publié dans son intégralité fin janvier par le ministère de la Transition écologique et qui définit le mix énergétique de demain, prévoit en effet de multiplier par trois le parc éolien français, aujourd’hui quatrième d’Europe avec 13,6 GW de capacités installées en 2017, derrière l’Allemagne (108 GW), l’Italie (60,8 GW) et l’Espagne (51,9 GW). Exclusivement – pour l’heure – terrestre, il compte 7300 éoliennes qui ont produit sur un an 24 térawatt-heures (TWh), soit 4,5 % de la production d’électricité nationale*. Il s’agira donc de porter sa capacité à 24,6 GW en 2023, puis entre 34 et 36 GW en 2028**. Des objectifs contre lesquels des associations, riverains et élus sont vent debout, déterminés à obtenir un moratoire sur le développement de l’éolien en France, arguant, entre autres, de la nuisance sonore et visuelle de ces aérogénérateurs subventionnés par les deniers publics dont le manque de rentabilité et de transparence a été souligné dans un rapport de la Cour des comptes daté d’avril 2018.
Ces griefs, Charles Sarrazin, fondateur de la jeune pousse niçoise Windpulse, s’en est emparé pour concevoir une nouvelle génération d’éolienne inspirée de la navigation à voile. Laquelle s’affranchirait des critiques soulevées par les turbines classiques. “Nous mettons du plus là où il y a du moins“, sourit-il. Pour lui, la solution tient en “une multiplication de machines de moyenne puissance (de 200 à 500 KW, ndlr), de petites tailles de manière à se fondre dans le paysage et suffisamment faciles à installer pour permettre aux agriculteurs, par exemple, dont les ressources sont souvent maigres, de devenir aussi des Energieculteurs”. Dont acte.
Manège à voiles
L’aérogénérateur signé Windpulse se présente comme un manège de trois paires de voiles fixé sur un mat de 14 mètres de haut. Plus petit donc, plus silencieux aussi grâce à ses voiles souples dont ” la géométrie variable permet, contrairement aux pales rigides, de s’adapter à la force du vent en présence et de s’activer pour produire de l’énergie verte même quand celui-ci est faible“, détaille Charles Sarrazin. En outre, les voiles – une fois personnalisées – peuvent servir de support de communication, ce qui accélérerait la rentabilité d’un dispositif “fabricable localement“, donc générateur d’emplois, et dont le coût devrait être “inférieur à 1000€ le KW installé“.
Autre avantage, l’éolienne, livrée en kit, “s’installe facilement, sans avoir recours à des travaux d’infrastructure importants ni nécessiter de permis de construire, la partie fixe du mat étant inférieure à 12 mètres“. De quoi réduire les lourdeurs logistiques et administratives. Enfin, “un procédé de rétractation des voiles et des bras permet, en 1 heure, de conserver intact le matériel en cas de fort cyclone rendant ainsi le système indestructible“, assure le dirigeant.
Objectif : 200 KW de puissance sur terre et mer
Un premier prototype, d’une puissance maximale de 40 KW, est en cours de finalisation. Il sera implanté en Bretagne, courant 2019, afin d’alimenter le centre de formation du groupe Olmix, spécialisé dans les solutions naturelles algo-sourcées et actionnaire de Windpulse. “Notre objectif aujourd’hui est de développer une éolienne de 200 KW“, indique Charles Sarrazin qui vise le marché des collectivités locales, les entreprises, les centres commerciaux et les agriculteurs. La jeune pousse souhaite également adresser les pays émergents comme Haïti dont elle a rencontré un représentant en mai dernier lors de la 2e édition du salon Smart Cities New York dans le cadre d’une mission d’affaires conduite par la Région et l’ARII Région Sud.
En attendant, Windpulse, qui compte 2 personnes et des partenaires techniques et commerciaux, s’est engagée dans une démarche de levée de fonds d’un montant minimum espéré de 1 M€ pour financer cette nouvelle phase de R&D. Et convaincre “des collectivités locales de s’engager concrètement dans la transition énergétique en devenant pilotes d’un projet expérimental 100% made in Provence Alpes Côte d’Azur“. Lequel pourrait bien mettre d’accord les anti et pro-éoliens.
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*La part du nucléaire est de 72%, l’hydraulique de 10% et le solaire de 1,7% (source RTE – bilan électrique 2017).
**Au large, la puissance éolienne déployée devrait passer de 2,4 GW en 2023 à entre 4,7 et 5,2 GW cinq ans plus tard.